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18 ans de surdité.

1, 2, 3, 4... 18.
Ah ça y est, «t'es majeure », « félicitations », « t'es un adulte », « on va quitter son nid »... Voilà ce que j'ai souvent entendu.
Pour moi, 18 ans signifie aussi bien d'autres choses, un signe de changement.
Alors, je crois que je vais peut-être agacer plus d'un parmi mes amis à écrire un looong texte sur une photo de profil et à vous identifier, mais ce n'est pas grave.

Et aussi pour dire que heureusement j'ai quitté le lycée plus tôt, parce que certains d'entre vous avaient prévu de me faire une vilaine surprise, héhé ! Alors, voilà, je compose ce petit texte devant mon écran après avoir avancé une bonne partie de mes devoirs.

J'étais née, mes parents ignoraient que j'étais sourde. Ils ont passé deux années et plus à savoir pourquoi je ne leur répondais pas, pourquoi j'avais des problèmes de communication. Enceinte, quand ma mère a appris ma surdité, ce fut un très grand choc qu'elle accouche de mon frère. Au début, ça lui rongeait l'esprit, comme pour mon père, se demandant comment elle allait s'en sortir avec un enfant porteur de handicap. Encore trois années, j'allais souvent à la garderie, mais j'étais toute seule, une fille était souvent là avec moi, elle me parlait, mais je ne lui répondais pas beaucoup, mais on étaient amies (Bisous Chloé). Les enfants ne me comprenaient pas, et moi non plus. Et je ne voyais pas autant que je voulais un autre ami que je voyais à l'ADESDA où j'ai appris à parler, à répéter comme un perroquet, c'était toi Alexandre. 
Quand l'âge de mes 5 ans approchaient, ma surdité a empiré : le médecin conseillait à mes parents de revenir à leur pays natal où ils ont grandi, la Réunion, car le froid de la métropole risquait encore d'affecter ma surdité. Je me souviens que j'étais souvent seule dans mon petit coin de chambre, en train de jouer avec les barbies, surtout la Barbie Raiponce que ma marraine m'avait offert (clin d'oeil à toi Sylvie). 

Nous voilà installés à la Réunion, un beau petit paradis. Un paradis ? Vraiment ? 
J'étais à peine en moyenne section que des enfants commençaient à me lancer de drôles de regards. L'école étant à côté de chez ma mamie, aujourd'hui atteinte de la maladie d'Alzheimer et me confondant avec ma mère qui avait 17 ans, elle venait me chercher et me donner des petits pains au nutella. C'était un petit bonheur éphémère que j'avais chaque soir.

Puis je rentre en CP. Ambre était ma voisine. Un jour, la professeure nous a donné un cheval à habiller (sur papier). Je regardais sa copie, et je copiais sur elle, espérant qu'elle s'amuserait que j'avais les mêmes goûts qu'elle. Dispute, pleurs et je fus mise au coin de la classe, parce que je ne comprenais pas ce que disait la prof et que je pleurais sous le choc d'avoir été repoussée. Mais c'est par cette dispute que nous avons réellement commencé à devenir amies, et je te voyais souvent pour la plage, tu étais une amie chère pour moi. A chaque fois que j'allais dans la cour, les enfants me regardaient bizarrement. Certains me pointaient du doigt, et je sentis qu'on parlait mal de moi. Un jour, voulant profiter de ma naïveté, on m'a demandé à refaire ''l'orage'' en tambouriant sur la poitrine comme nous avait montré la prof. On m'avait dit qu'elle ne venait pas. On a tous commencé, mais ils se sont soudainement arrêté. La prof débarque, je ne l'avais pas entendu. Et je me suis fait punir. Quand j'ai dû changer d'école en fin de CE1, j'ai beaucoup pleuré à l'idée de devoir me séparer à nouveau d'une copine qui était à côté de moi bien souvent. 

Mes parents on choisi de déménager, nous habitons la Ravine des cabris. La maison n'était pas encore terminé, le carrelage était à peine mise, la terre était boueuse, le garage et les murs étaient tout gris, et j'ai eu cette impression qu'on m'envoyait dans un endroit qui reflétait mon état d'esprit. 
J'entre en CE2, Raïssa était ma nouvelle voisine. Mais de peur de mal communiquer, j'étais très silencieuse. Mais elle n'avait pas hésité. On n'était pas encore réellement des amies au début, mais des rivales pour savoir qui était la meilleure de la classe. Pour moi, c'était une motivation pour oublier ma souffrance intérieure. Ensuite, CM1, Caroline.P était ma nouvelle voisine, et Raïssa se trouvait tout juste en face de moi. On a commencé a sympatiser, mais on était encore des rivales. A chaque fois que c'était la récréation, c'était le brouhaha, je commençais à voir la foule comme un enfer. Je n'aimais pas les regards qu'on me lançaient. Un jour, une fille m'avait dit ''t'es une fille ?''. Je lui ai dis oui, elle disait que j'étais un garçon qui allait traîner dehors, injuriait ma mère. D'autres rigolaient, parlaient, j'étais perdue, je me suis enfuie. Des gens qui me semblait regarder de haut, avec des masques moqueurs, me faisait peur, tellement peur. J'étais effrayée de penser qu'un jour, je serais rejetée de la société. Pourquoi mes parents avaient-ils choisi de me mettre parmi les entendants? Pourquoi cette école ? Mais je ne pouvais être en colère contre eux, les seules personnes que je chérissais tant. CM2, on avait un jeune professeur. Beaucoup d'élèves l'aimaient. Mes matières préférés étaient la poésie et l'art plastique, je me sentais bien, et je n'avais que des 19-20. Mais j'étais dans ma bulle, le regard des gens n'avait pas changé. 

J'ai quitté le primaire. Le collège. Quand j'ai su qu'on allait dans différentes classes, je regardais sans cesse Raïssa et Caroline, avec une grande inquiétude d'être à nouveau séparées. Mais par chance, on se retrouve encore dans la même classe. J'ai commencé de plus en plus discuter avec Caroline. Mais je ne connaissais personne. La classe était la plus bruyante que je n'ai jamais eu. Je rentrais chez moi très fatiguée, avec des migraines. Des fois je pleurais, souvent seule dans mon lit. J'étais mal, j'en avais assez. Je ne voulais plus entendre. En cinquième, en anglais, la géniale professeure me passait de temps en temps de l'aide supplémentaire pour que je puisse suivre le cours, vu que beaucoup de mots m'échappaient. Et j'espérais qu'en suivant mieux le cours, j'allais être mieux intégrée et devenir « entendante ». Souvent, pendant les interclasses, comme je n'entendais pas, on me criait ''pétasse'' en face de moi, me tirait les cheveux, le sac... Même aux toilettes j'ai eu le droit à quelques surprises des filles qui viennent me regarder faire mes besoins ou me jeter de l'eau. 

J'ai commencé à aimer le français. Grâce à ça, j'ai commencé à être copine avec Chloé et Mathilde,Anthony, Julien aussi un peu. 
Puis mes parents créent l'association LPC réunion avec d'autres, et ma mère était devenue amie avec une autre mère d'un sourd. Le frère du jeune sourd,Samuel, était l'une des seules personnes qui pouvaient comprendre la surdité. J'étais contente d'avoir un ami sur qui compter, qui aujourd'hui est parti faire des études au Québec (si je ne me trompe pas).
Et puis un jour, mes amies me font part qu'il y avait une pétition contre moi, comme quoi j'étais favorisée. On me donnait des réponses des prochains contrôles, disait-on. Ca m'a fait tellement mal. Du jour au lendemain, presque toute la classe m'avait tournée le dos, et je ne savais pas pourquoi. Même trois d'entre eux m'ont crié pendant une récré : ''on n'a pas besoin de toi ! Va retourner ailleurs ! T'as pas ta place dans ce collège ! Pauvre fille !''. Chaque soir, je rentrais en larmes. Je suis tombée malade. Mes parents, avec le SEFFIS, qui ont réussi à récupérer la feuille de pétition où il y avait une vingtaine de signatures, ont décidé d'agir. Ils ont vu Mr. QUENTEL, il a intervenu en classe, et attrapé l'auteur de cette pétition. Personne ne s'est excusé aurpès de moi à part 5 ou 6 personnes. Mes parents pensaient me changer d'école. Mais l'idée de devoir encore me séparer avec ces nouvelles personnes, j'ai refusé. J'ai préféré endurer les moqueries, la discrimination, pleurer, et de ne pas perdre des amis. La quatrième fut la plus mauvaise année scolaire suivie de la cinquième pour moi. J'ai subi tellement de choses, qu'un jour, toute la souffrance se retrouvait bloquée au niveau des poumons. Je respirais mal. On m'a emmené chez un osthéopate, et quand il a fait un certain mouvement, je n'ai pas respiré pendant deux minutes, jusqu'à que je me sente guérie petit à petit.

3ème année scolaire. Mon père part, on ne savait pas pourquoi. Il y avait beaucoup de conflits familiales, et j'ai assisté à des scènes de gifles, de violences morales entre les adultes de la famille. Je ne dormais plus la nuit, et le brevet approchait. Je n'avais personne à côté de moi à part quelques adultes du SEFFIS qui m'ont beaucoup soutenue. Je travaillais sans relâche, me noyant dans les devoirs pour oublier mes souffrances. Je ne connaissais pas le stress d'un examen qui approchait. Même quand j'allais à l'école, je pleurais, ne voulant pas montrer à mes parents ce que j'avais sur le cœur. Le brevet est arrivé, j'ai eu mention très bien, et je l'ai apprise parmi les sourds. Et j'ai vu le regard des sourds : même parmi eux, certains étaient jaloux, me rejetaient d'une autre manière. N'avais-je pas le droit d'appartenir à un monde ? De vivre ? Qui suis-je ?

Ca y est, on devient lycéen. J'espérais que la seconde serait une nouvelle page de ma vie. Sans hésiter, j'ai pris beaucoup de courage pour parler avec les nouveaux camarades, malgré la peur des regards. Je voulais être seule, mais je voulais savoir qui j'étais réellement. J'ai trouvé le goût des bijoux, et je me suis diversifiée dans l'art. Je voulais créer un club d'art pour pouvoir me faire des amis, mais le principal adjoint avait refusé, de peur que ça jouait sur ma surdité. J'ai sympathisé avec la plupart de la classe, mais je ne trouvais pas encore de véritables amis, après être séparée de mes anciens amis. Un qui part en France, une autre au tampon, une à st Paul... 

Voyant mes résultats, on m'avait conseillée la S, vu qu'il n'y avait aucune filière d'art au lycée de Bois d'o. Mais je me sentais encore mal, ma mère était mal en point, se sentant seule. Je ne la quittai plus, essayant de lui remonter le moral. Je la faisais souvent rire, mais ses yeux étaient d'une faible lueur. Quand je suis rentrée en 1ère, dès la rentrée, Mr Quentel est entrée dans la classe, et m'avait demandé de lever la main pour montrer qui étai ''la sourde'' dans la classe. Tous les regards se sont braqués sur moi, et je me suis sentie légèrement petite. Les jours ont coulé, je me suis plongée dans le travail pour rassurer ma mère, après plusieurs questions de mes nouveaux camarades, j'ai senti que j'ai pu m'intégrer enfin dans la société. Un soir, j'ai pleuré, très heureuse de savoir que je pouvais enfin communiquer aujourd'hui sans peur, avec qui que soit. Même de voir que ma mère va mieux, heureuse pour moi.

Toutes ces années m'ont fait développée un caractère solide, et j'ai su comprendre comment parler avec les gens. Aujourd'hui, je réussi à m'intégrer petit à petit parmi les sourds. Un jour, on m'avait dit que j'étais un pont entre le monde des entendants et des sourds. Je pouvais être avec un entendant, un sourd. Je pouvais parler, signer, coder. 

Aujourd'hui, merci à ceux qui m'ont souhaité joyeux anniversaire, pour moi c'est une preuve que j'ai pu être une fille normale à vos yeux, certes, pour certain, une fille qui a bien largement dépassé son handicap.

Aujourd'hui, je souffle mes 18 bougies, et je remercie ceux qui ont toujours été là pour moi. émoticône heart

Merci encore à ceux qui étaient là, je vous aime fort, même si j'ai perdu contact avec certains.

Un jour banal pour d'autre, un signe d'une nouvelle aventure pour moi. émoticône heart

Ps : Même si je ne vous ai pas cité, vous êtes aussi importants pour moi, vous étiez mes premiers amis, mes premiers frères de la vie : Anthony et Adrien émoticône smile

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K
Oups ^^ me revoilàààà ! Je voulais juste te dire que tu es une personne courageuse, et que je te souhaite bonne chance de tout mon coeur. Bisous, Kassandra (13 years)
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K
Coucou,Bon anniversaire !! (En retard... ^-^")Je suis arrivée sur ton magnifique site pour l'art, les dessins. Franchement, je suis  heureuse que tu aies écrit ce texte touchant retraçant ta scolarité, et que tu nous l'aies partagé. Je te soutiens et te comprends dans tous les moments durs que tu as dû endurer, ayant moi même été harcelée durant quelques années à cause de ma facilité en cours (on ne se rend pas compte à quel point les enfants et ados peuvent être cruels, durs, je ne trouve pas de mots pour décrire ce fait...). Je me suis donc renfermée sur moi-même. Ensuite, depuis cette année, je suis plus forte. Les personnes m'ayant fait du mal autrefois ne m'embêtent plus du tout, et j'ai trouvé de véritables amies. Je trouve qu'être différent est une force, et que chaque personne est un être humain qui se doit d'être respecté. En tout cas, c'est mon point de vue. Il n'y a aucune (je dis bien aucune) raison d'harceler quelqu'un sous prétexte qu'il y a quelque chose de différent en lui (handicap, facilités (HP), ...).Le point bénéfique que j'ai tiré de cela est que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.Rien ne change au fait que je repense à ces années qui ont été horribles, à toutes les choses que m'ont fait ces enfants. La plupart des personnes ne se rendent pas compte que c'est très dur à surmonter, et que quand on y arrive enfin, rien n'empêche qu'on se souvient encore de tout. Voilà, excuse-moi d'avoir écrit un mini-résumé de mon histoire (eh oui heuresement que c'est un résumé parce qu'ou sinon... XD), j'ai sûrement rédigé tout ça pour surtout pour te dire merci. Merci d'être toi-même.Continue de t'exprimer à travers ton art, et tous ces dessins fantastiques !
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W
Bon raisonnement de toute manière mdr x)
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N
Ah, je me suis trompée...<br /> Bon, l'un est aussi laid à lire (et à écrire, parce que oui, en tant qu'élève de 1ère L, j'ai dû prendre sur moi XD !) que l'autre.
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A
Mais dans ta phrase "c pa kom ci taicrivé en lengaje SMS" tu parles de langage SMS, et tu écris en kikoo, donc voilà x) Bref, on est partit totalement en hors-sujet... 8D
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